Brigades Rouges et extradition

Publié: 30 avril 2021 par kheynialo dans Infos
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Une procédure d’extradition vient d’être lancée contre plusieurs militants italiens ayant bénéficié de la « doctrine Mitterrand » durant les années de plomb. Politiciens et journalistes se sont emparés du sujet pour dire tout et n’importe quoi. En fait, surtout n’importe quoi.



Quelques explications :
Qui sont ces militants ? Tous n’appartenaient pas aux Brigades Rouges. Certains étaient autonomes ou encore membre de Lotta Continua. En fait, ils reflètent l’hétérogénéité de l’extrême gauche italienne de l’après 68, formée d’un courant communiste combattant puissant.

On mesure l’ampleur du phénomène en deux chiffres : de 1969 à 1980, 592 organisations d’extrême gauche ont commis au moins un des 2002 « attentats » revendiqués durant cette période. On n’était donc loin du phénomène isolé comme se plaisent à le dire les toutologues qui ont leur rond de serviette à BFM, LCI ou CNEWS. On parle ici de mouvements de masse dans un pays au bord de l’explosion sociale.

Mercredi, lors d’une conférence de presse, Dupond-Moretti affirmait qu’ « entre 1969 et 1980, cette période qu’en Italie on appelle “la période de plomb”, c’est 362 personnes qui ont été tuées par ces terroristes».

Ces chiffres, provenant du ministère de l’Intérieur italien, sont justes mais omettent un détail qui n’est pas des moindres : on attribue au moins 150 des 362 victimes à des attentats « aveugles » commis par l’extrême droite..

Le plus célèbre est probablement celui de la gare de Bologne où une bombe tue indistinctement 85 personnes le 2 août 1980. Ce mode opératoire n’est jamais utilisé par l’extrême gauche dont les 94 exécutions sont ciblées.

En bref, tandis que les violences d’extrême droite frappaient l’ensemble des citoyens italiens, l’extrême gauche visait des politiciens, des patrons, des policiers ou des juges ennemis.

Face aux attaques de la bourgeoisie, ces militants avaient décidé de riposter « mai più senza fucile ! », « jamais plus sans fusil ! ».

Ainsi, le commissaire Luigi Calabresi, accusé du meurtre de l’anarchiste Giuseppe Pinelli, est exécuté le 17 mai 1972 : ce n’est pas du terrorisme mais simplement de l’autodéfense populaire.

Les « années 68 » en Italie atteignirent leur point d’orgue en 1977. Des manifestations monstres prirent les rues de plusieurs grandes agglomérations où les manifestants attaquaient les lignes de carabiniers à l’aide de cocktails Molotov ou, parfois, en leur tirant dessus.

Certains y virent les débuts d’une guerre civile et la réaction du pouvoir ne se fit pas attendre : 4 087 militants sont incarcérés jusqu’en 1979, dans des conditions plus que douteuses (enquêtes à charge, procès truqués, etc.).

En conséquence, de nombreuses personnes prirent le chemin de l’exil et furent accueillis en France en l’échange d’un abandon définitif de la lutte armée : c’est la fameuse « doctrine Mitterrand ». Ce n’est pas une loi mais plutôt un accord tacite entre les exilés et le gouvernement français, respecté par tous les présidents qui se sont succédés depuis Mitterrand, quel que soit leur couleur politique.

Cet accord n’est pas « un cadeau » pour des exilés de la guerre de classe, mais bien une des mesures qui a permis la fin des conflits armés et des morts.

En dérogeant à cela, Macron ouvre une brèche qui pourrait menacer l’ensemble des exilés. Il est donc absolument nécessaire de les soutenir tout en rappelant le besoin impérieux d’une loi d’amnistie pour tourner la page de ce « passé qui ne passe pas ».

Liberté pour tous les arrêtés, fin des poursuites.

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