Voici un texte écrit en 2002, je le dédicace à tous les « camarades » qui se rangent derrière le front républicain…
Ni honte ni F-Haine !
Sur le danger néo-nazi
Depuis le début des années 1980, grâce à la stratégie de Mitterrand qui institua la proportionnelle pour jeter un FN-peau de banane sous les pieds de la droite, le néo-nazi Le Pen a pu multiplier par quinze les scores confidentiels de l’extrême droite. Il obtient ainsi 11% aux européennes de 1984, et 14,5% lors de la présidentielle de 1988. Si le FN abandonne aujourd’hui ses habits d’épouvantail pour endosser le costume d’arbitre électoral, son ascension, beau résultat « socialiste », ne date donc pas d’hier.
Que des collégiens, qui n’étaient pas nés à l’époque, prennent conscience de l’implantation électorale du FN et s’en alarment, c’est compréhensible et encourageant. Que des militants associatifs et syndicaux expérimentés, voire d’anciens révolutionnaires, feignent de découvrir la chose, et l’exagèrent à plaisir pour vendre leur soupe démocratique et nationale ; qu’ils se lamentent, comme tel « réseau » spécialisé dans la dénonciation des violences policières, sur une « France couverte de honte aux yeux de l’histoire [sic] et du monde » qui « flirterait » avec l’élection d’un Le Pen, voilà qui donne envie de vomir son p’tit dèj !
La France ? Quès aco ? La « France éternelle » dont se gargarise Le Pen ? S’agit-il plutôt de « l’ensemble des Français » ? Mais Le Pen a obtenu 16,95% des suffrages exprimés. Rapporté au nombre des électeurs inscrits, ce score tombe à 11,8%. Le chiffre des inscrits doit être majoré de 7 à 10% de non-inscrits. Ce sont donc au maximum entre 10,5 et 11% de la population adulte qui ont voté Le Pen. Ce chiffre brut ne prend pas en compte les jeunes qui ne sont pas en âge légal de voter. Ne parlons pas des crétins qui ont déposé un bulletin Le Pen dans l’urne sans approuver ses positions…
On peut certes dire que « 11%, c’est 11 de trop ! », mais c’est le genre de platitude qui n’aide pas à penser. Au-delà de l’impact symbolique indéniable de la présence d’un Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, et de l’encouragement qu’il représente pour les nazillons et autres racistes, il n’y a pas de péril nazi immédiat en France. Affirmer le contraire est un mensonge démagogique et contre-productif. Recourir pour le faire à des catégories idéologiques comme la « France », « être Français » (…et en avoir honte) participe finalement de la « lepénisation » des esprits que l’on dénonce chez les autres.
À propos de la honte
Ce ne sont en eux-mêmes ni l’abstention ni les votes d’extrême gauche qui ont créé la visibilité renouvelée de Le Pen, mais bien l’effondrement de la gauche gestionnaire.
Or, heureux événement, cette déroute est logique. Trop sûr de lui, Jospin a avoué d’emblée ce que tout le monde pouvait voir : son programme de modernisation capitaliste (concocté par Fabius et Strauss-Kahn) ne méritait même plus un déguisement « socialiste ». À force de répéter qu’il n’y a plus de classe ouvrière, ces ordures avaient fini par oublier l’existence de plus de six millions d’ouvriers et d’ouvrières. Lesquel[le]s, en grand nombre, se sont abstenu[e]s, ont voté LO ou Le Pen…
Ni la peur ni la honte ne sont des armes de résistance. Ce sont au contraire les moyens favoris des maîtres. C’est par la honte que les tortionnaires, les pères incestueux, les violeurs, imposent silence à leurs victimes et les persuadent qu’elles sont responsables des violences qu’elles subissent.
VIVENT LA COLÈRE ET L’ESPOIR !
Nous n’avons pas à sauver la république avec le flic Chevènement, la patrie en danger avec Juppé-la-hache et Chirac-matraque, pas plus qu’à fraterniser avec les supporteurs des 35 heures d’exploitation salariée.
Ceux qui se passionnent pour le Monopoly électoral n’avaient qu’à voter Chirac au premier tour. Il était déjà la meilleure digue (même pleine de trous) contre l’extrême droite. Comparé à Jospin, qui a privatisé davantage que la droite, c’est un serviteur maladroit et archaïque du capitalisme !
Trêve d’illusions, parlons de guerre sociale ! Passés ou non par les bureaux de vote, défendons dans la rue et par les luttes le projet d’un autre futur, sans « races » ni frontières, sans « président » ni patrie, une société égalitaire et libertaire où l’on ne verra d’épouvantails que plantés dans les champs.
Maintenons les politiciens dans l’insécurité ! À bas la France !
« Buvons à l’indépendance du monde ! »
Claude Guillon
Paris, le 26 avril 2002