Communiqué du collectif Indymedia Lille
Verdict du procès contre la diffusion d’information sur les violences policières à l’encontre des réfugié-e-s du Calaisis :
– relaxe pour les 4 militants de salam
– relaxe pour l’ex membre du collectif indymédia lille
– 1500 euros d’amende, dont 500 euros avec sursis, 1 euro de dommages et intérêts pour zetkin, militante du calaisis.
Voici un court compte-rendu du déroulement du procès :
Le procureur qui se retrouve en accusation, le ministère de l’intérieur (à l’origine de la plainte) qui est absent, le représentant des CRS qui ne bouge pas et ne dit pas un mot même lorsque le juge l’invite à le faire. L’assesseur à la droite du juge qui s’endort à plusieurs reprises. Un second se cache derrière les dossiers de l’enquête de plusieurs dizaines de centimètres de haut. L’avocat de la direction zonale des CRS qui avoue au détour d’une phrase : « la police est juge et partie ». Tout ça n’a apparemment aucun sens, du côté des plaignants personne n’a l’air de donner beaucoup d’importance à l’affaire. Normal, le but est atteint.
En face des juges, en bas de l’estrade, les 6 militant-e-s accusé-e-s par le ministre de l’intérieur de 2004, Villepin, d’avoir injurié ou diffamé des fonctionnaires de l’Etat en la personne des CRS qui pratiquaient à cette époque des rafles violentes de réfugiés dans la région de Calais.Si l’objectif de nuire aux activités et à la vie des militant-e-s est atteint, le procès aura été en partie celui des CRS et de l’Etat leur donneur d’ordres.
Le procès commence par une synthèse par le juge des faits reprochés : des messages et des photos publié-e-s en mai/juin/juillet 2004 sur internet : 1 sur le site de Salam et les autres sur lille.indymedia.org. La bataille est d’abord sur la forme et sur les incohérences de la procédure. Entre les juges et le ministère de l’intérieur, la coordination semble encore difficile… Les requalifications illicites et confuses de l’accusation seraient excusables, parce que dues à un mauvais copier-coller improuvable. Brillante défense !
Vient alors l’interrogatoire par le juge sur le mode de fonctionnement du site http://lille.indymedia.org/. Vraisemblablement l’horizontalité et l’autogestion sont difficiles à comprendre pour la justice, mais elle est bien forcée de reconnaître qu’il n’y a pas de directeur de publication ni de chef dans notre organisation.
Le juge attaquera ensuite sur le fond des textes et des violences policières. Il demandera vainement que ses propres formulations et termes ne soient pas entendus de manière politique et que le procès ne devienne pas une tribune politique. Parler du fond sans être politique… il rêvait. Car est venu le temps pour les militant-e-s calaisien-ne-s de raconter les réalités du terrain. Les harcèlements policiers sur les militant-e-s, les violences sur les réfugié-e-s. Et si les juges ont essayé de ridiculiser ces attaques, les faits sont bien là, et les défaillances du procureur furent facilement mises en évidences.
L’un des moments les plus emblématiques de ce procès, c’est d’ailleurs lorsque le juge interroge l’un des 4 militants de Salam, qui raconte comment il s’est engagé dans la défense des réfugiés : après avoir assisté, à 200 mètres de chez lui, à une rafle violente.
Il se tourne vers le procureur et l’interpelle sur le fait qu’ils ont essayé de porter plainte contre les agissements des forces de l’ordre, sans que ces plaintes aboutissent jamais : « Le procureur doit avoir sur son bureau plusieurs de nos plaintes ». Il réaffirme que ce qui est dans le texte qu’il a écrit et publié (et pour lequel il est attaqué aujourd’hui), c’est ce qu’il a vu lui-même : Un homme, coursé, que l’on fait tomber à coups de matraques, et qui reste à terre, pour finir emmené à l’hôpital par les pompiers. A l’époque, lorsqu’il avait demandé aux forces de l’ordre pourquoi il était tombé, on lui avait répondu : « il est tombé tout seul ». Le procureur se défend en citant le dossier d’instruction : « le « malaise » du réfugié photographié poursuivi par un certain nombre de membres de la crs 12 et qui s’était effondré sur le sol, avait en réalité une origine rigoureusement médicale (crise cardiaque) ». Après vérification il n’est inscrit sur aucun rapport des services de secours de malaise cardiaque, mais des douleurs costales qui auraient été causées par des coups de matraques.
Il reprend ensuite le rapport de la commission nationale de déontologie de la sécurité, lequel interpelle la police sur les violences policières à Calais : des faits commis par cette même police que le procureur désigna comme agissant avec « délicatesse et humanité », lors du procès du 4 juillet (voir : http://article.gmane.org/gmane.poli…).
Vient alors le temps des plaidoiries. L’avocat de la direction zonale abandonne son projet de plaidoirie et improvise… Face à ce dossier qui fond à la lumière des faits, il dira que l’objectif n’est pas de juger mais de donner la parole aux CRS blessés par Indymedia, et de dénoncer « la puérilité » de la réaction des militant-e-s face à la justice, parce que selon lui illes tentent de ne pas laisser prise à des sanctions.
Le procureur, qui ne s’attendait certainement pas à se retrouver à son tour accusé, se réfugiera derrière un lyrisme hypocrite. Ainsi, pour critiquer les comparaisons entre aujourd’hui et Vichy, il utilisera de manière obscène les tortures subies par les résistant-e-s à l’occupation nazie, « oubliant » soigneusement de préciser que pendant ce temps l’Etat, la justice, et la police collaboraient : selon lui nos « glorieux ancêtres » ne se reconnaîtraient pas dans les militant-e-s qui soutiennent les réfugié-e-s du Calaisis.
Les avocats de la défense ont plaidé de front sur 3 axes :
– La non diffamation, du fait de la sincérité des militant-e-s : les faits du type de ceux dénoncés dans les articles incriminés sont connus et reconnus, y compris par la commission nationale de déontologie de la sécurité ;
– la condamnation de l’utilisation de l’appareil judiciaire pour peser dans le rapport de force établi entre l’Etat et la mobilisation dans le Calaisis ;
– les collusions entre le pouvoir de la justice, de la police et des médias. Au final, même pour les personnes relaxées et comme il a été dit dans une plaidoirie, ce procès « ce n’est pas rien ». La mise en branle de l’appareil policier et judiciaire durant plus de 3 ans, les interrogatoires, les rendez-vous devant le juge, les saisies, les dénonciations par la presse locale, les collaborations des fournisseurs internet… ce n’est pas rien (voir : le déroulement de l’enquête contre indymedia Lille). La comparution d’individu-e-s devant une cour pénale pour avoir agi contre des violences policières…. ce n’est pas rien.
Car le sens de ce procès est bel et bien d’attaquer les militant-e-s calaisien-ne-s et Indymedia Lille qui dérangent l’Etat français dans ses basses besognes contre les réfugié-e-s du Calaisis. Et à travers ces personnes qui ont comparu c’est bien les réfugié-e-s que l’Etat attaque encore… et ce n’est pas rien.Privé-e-s de conditions « d’accueil » par les autorités, violenté-e-s voire tué-e-s (voir calais/angleterre:les crs auraient provoqué la mort d’une jeune érythréenne), illes sont dans l’impossibilité de lutter (voir Tri humanitaire : la solidarité a ses limites). Et lutter c’est exister, c’est être visible… En organisant l’invisibilité des réfugié-e-s, en pourchassant celleux qui les rencontrent et le racontent, ce sont des luttes légitimes que l’Etat veut empêcher. Mais la solidarité ne peut s’essouffler face à la dégradation de la situation !
Plus que jamais, le collectif Indymedia lille reste solidaire des militant-e-s du Calaisis, et de toutes les personnes cherchant une meilleure vie ailleurs
LIBERTÉ DE CIRCULATION ET D’INSTALLATION
POUR UNE INFORMATION LIBRE ET INSOUMISE